Janvier-mars 2018
Le béton, ça a du bon
en couverture : Pierre Péron
Brest 1970, le triomphe de la ville cubique, Mairie de Brest-Bellevue (salle des mariages), huile sur toile, 1971
25 € chez Dialogues
32 € port compris
La ville de Brest voit aboutir cette année d’une reconnaissance patrimoniale bienvenue à travers la labellisation Ville d’art et d’histoire, juste retour des choses. La Société d’Études de Brest et du Léon est bien placée pour rappeler les problèmes de regard sur le passé d’une ville martyrisée et traumatisée.
À l’automne 1944, le vieux Brest est détruit, un vaste chantier de reconstruction s’ouvre selon une logique qui, sans être forcément politique, fait en grande partie table rase du passé. La vieille église Saint-Louis et le théâtre, qui auraient pu être conservés, sont sacrifiés sans trop d’états d’âme. Le vide patrimonial qui s’ensuit est porteur de toutes les nostalgies. C’est très sensible dans les premiers numéros des Cahiers de l’Iroise qui commémorent l’ancienne ville tout au long de leurs pages. Il faut attendre le début du XXIe siècle pour que les choses s’infléchissent, sans doute parce que la génération qui a connu le Brest d’avant-guerre passe.
Le regard change dans le même temps. Plus question de comparer l’ancienne et la nouvelle ville, il faut désormais comprendre celle-ci sans pour autant se référer au passé. Si l’évolution mémorielle semble aboutie, il n’en va pas encore de même de la vision des monuments et Brest est trop souvent décrite comme une ville du béton, assimilée d’une certaine façon aux grands ensembles des années 1950-1970.
Ce nouveau Cahier a pour objet de montrer que le matériau mis en œuvre lors de la Reconstruction, mais déjà utilisé avant – on a tendance à l’oublier –, a permis de superbes réalisations. La ville nouvelle a sans doute des défauts mais aussi bien des qualités et elle partage au moins avec le vieux Brest une grande homogénéité.
Yves Coativy
Présentation du n° 228 des Cahiers de l'Iroise, Faculté Victor Segalen, Brest, jeudi 12 avril 2018 - clichés © François Olier
Avril-juin 2018
En Bretagne, d'île en île
en couverture :
Râmine, Le phare de l'île Louët
25 € chez Dialogues
32 € port compris
Les premiers témoignages sur les îles bretonnes sont très anciens et deux d’entre eux sont particulièrement intéressants. Le premier est de Strabon (63 av. J.-C. - 23/25 ap. J.-C.), qui rappelle que « Posidonius affirme qu’il y a dans l’Océan une petite île, qu’il situe devant l’embouchure de la Loire et pas tout à fait en haute mer, habitée par les femmes des Samnites possédées de Dionysos et vouées à apaiser ce dieu par des rites mystiques et par toutes sortes de cérémonies sacrées. Aucun homme ne met le pied sur cette île ; en revanche, les femmes elles-mêmes traversent l’eau pour s’unir à leurs maris et s’en retournent ensuite. La coutume veut qu’une fois par an elles enlèvent le toit du temple et en refassent un le même jour, avant le coucher du soleil, chacune y apportant sa charge de matériel. Celle dont le fardeau tombe à terre est déchiquetée par les autres, qui promènent alors ses membres autour du temple en criant l’évohé et ne s’arrêtent pas avant que leur délire ne prenne fin. Or il arrive toujours que l’une ou l’autre d’entre elles tombe et doive subir ce sort ».
Quant à Pomponius Mella, qui écrit entre 24 et 44 ap. J.-C., il nous rapporte au sujet de l’île de Sein que « Sena, dans la mer Britannique, en face du littoral des Osismes, est célèbre par l’oracle d’une divinité gauloise dont les prêtresses, consacrées par une virginité perpétuelle, sont, dit-on, au nombre de neuf ; on les appelle Gallizenas et on les croit douées du pouvoir singulier de soulever les mers et les vents par des formules magiques, de se métamorphoser à volonté en n’importe quel être animé, de guérir des maux qui, pour d’autres, sont incurables, de connaître et de prédire l’avenir ; mais ce sont des dons qu’elles réservent aux navigateurs, à ceux mêmes qui se sont mis en route dans la seule intention de les consulter » (textes traduits par Jean-Yves Éveillard, L'Armorique antique - Aremorica antiqua, 2013).
Il est étonnant de constater qu’au début de l’ère chrétienne, tous les clichés sur l’Armorique sont déjà présents : un monde insulaire mystérieux, la possibilité de connaître l’avenir, une religion proche de la magie, les tempêtes et le vent… Le tout est heureusement réservé aux navigateurs chanceux ! Rassurez-vous, ce Cahier de l’Iroise aborde les îles mais de façon plus apaisée.
Yves Coativy
Juillet-décembre 2018
Russes et Bolcheviks
en Bretagne - XIXe-XXIe siècles
en couverture : Prise d’armes au Port de commerce de Brest devant la Chambre de commerce, 2e brigade spéciale russe, 2 août 1916 © Archives municipales de Brest
25 € chez Dialogues
32 € port compris
« De l’Oural à l’Atlantique », tel aurait pu être le titre de ce numéro consacré aux Russes en Bretagne du XIXe au XXIe siècles. Il s’agit bien sûr de l’inversion d’une expression fameuse du général de Gaulle qui associait souvent « l’Atlantique » et « l’Oural » entre 1950 et 1962 dans ses allocutions. L’ordre de l’utilisation de ces termes géographiques n’était évidemment pas neutre. Il exprimait une vision géopolitique formulée, dès le 25 octobre 1944. L’ancien chef de la France libre, alors président du Gouvernement provisoire de la République française, estimait que « séparer l’Europe orientale de sa partie occidentale » était un « non-sens ». Ce qui est pour nous une évidence ne le fut pas hélas pendant plusieurs décennies.
Ce présent numéro des Cahiers de l’Iroise se penche justement sur l’histoire de la présence russe à Brest et en Bretagne du XIXe au XXIe siècle. Il se propose de réorienter nos regards, nos représentations : le passé et le présent du port du Ponant et de sa région ont aussi des accents russes. Souvenons-nous de la présence impressionnante, et longtemps impensable, des navires russes lors des fêtes maritimes de Brest en 2016.
Les contributions variées de notre publication donnent encore plus de profondeur à cet événement qui relève désormais de l’histoire de Brest, de la Bretagne et de l’Europe. Elles soulignent qu’en plusieurs occasions, Russes, Brestois et Bretons se rencontrèrent au cours d’événements heureux, malheureux voire tragiques. Ce furent logiquement des marins, mais aussi des soldats des deux guerres mondiales, des architectes, des scientifiques et des artistes. Leur venue provoqua le plus souvent l’enthousiasme et l’amitié, mais aussi parfois la crainte lors de la Seconde Guerre mondiale. Beaucoup ont combattu et sont morts pour la France ou en tant qu’alliés de la France. Certains, victimes de mauvaises fortunes, reposent même à jamais en terre bretonne. Ils inspirent donc le plus grand respect et la plus grande reconnaissance.
Ce premier éditorial ne saurait s’achever sans l’expression de ma plus profonde gratitude envers Yves Coativy, ancien président de la Société d’Études de Brest et du Léon, auquel j’ai l’immense honneur de succéder. C’est une tâche prenante mais ô combien passionnante ! Mes remerciements vont aussi à Gérard Cissé qui a, une fois encore, assuré la tâche longue, délicate et décisive de la mise en page. Ce riche numéro, qui éclaire des strates supplémentaires de l’histoire de Brest et de la Bretagne, est donc le fruit d’un travail collégial et d’une passion que nous espérons faire partager au plus grand nombre.
Dominique Derrien